16/07/2011

La glace et le feu.



Il y a quelques mois maintenant, se déposait dans les paumes de mes mains, la tête sans vie de ma mère.


C'est comme ça: Y'a un vent glacial qui vous traverse l'âme parfois. D'autres fois, c'est une lame de feu. 

Ces moments, il y en a peut-être une dizaine dans toute une vie. Deux ou trois décès, autant de naissances, de grands amours... je ne pense pas qu'une heure avant de quitter ce monde on doive penser à quelque chose d'autre. D'ailleurs, il y a quoi "d'autre" ? On mange, on dort, on travaille, on se transporte, on réussit ou non... et puis on recommence le lendemain. Mais au bout du compte, pour emprunter l'expression à une consoeur de mots; 

"Le coeur est le seul organe qui vaille la peine qu'on le nourrisse."

Y'a qu'une chose de vraie dans cette expérience physique; l'amour. Le perdre et le gagner, et comment on le fait ou l'exprime.

Je me souviens comme si c'était hier du jour où j'ai pris connaissance de l'existence d'une magie qui, enfin, m'expliquait la raison de toutes ces chansons odieusement sirupeuses qui m'ennuyaient pour mourir. "Mon chéri, si tu t'en vas je me fais ci..." "Mon amour, si tu me quittes je me fais ça..."

"Misère" que je me disais... et je vais vivre ici, AVEC EUX, pendant encore 50 ou 60 ans !?!

Et puis j'ai 16 ans, début d'année scolaire. Dans le brouhaha du gymnase de l'école, une jeune fille joue aux cartes avec quelques fantômes. Je dis "fantômes", ça aurait pu être des lézards géants à trois têtes, je ne les auraient pas plus remarqués. Des types avec lesquels je me serais battu volontiers, 30 secondes plus tard, pour qu'ils la laissent gagner. 

C'est soudain comme ça. Un instant vous n'avez aucune idée que la vie est autre chose, et puis la vie n'est RIEN D'AUTRE que cette autre chose. 

En 30 secondes.

J'avais jamais vu une aussi belle fille jouer aux cartes. Je ne SAVAIS PAS qu'une aussi belle fille pouvait jouer aux cartes. Je devais être jaloux des cartes d'ailleurs. 

Elle aurait été assise dans la boue qu'elle m'aurait fait le même effet. 

Et puis la vie continue, gâte le beau qu'elle avait offert, mais bon, c'est toujours de l'engrais pour du nouveau beau. Et puis, qu'est-ce qu'un garçon de 16 ans, nouvellement bourré de dynamite testostéronique, est supposé faire ? 

Et pourquoi déjà les filles attendent le Humphrey Bogart de Casablanca avec la tête de Rafaël Nadal et le charme de Johnny Depp à cet âge-là ? Pas étonnant qu'on veuille aller vivre sur sa propre planète à un moment (noir) donné.

À propos, ça s'est passé comment pour vous ?

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Les années passent donc. On gagne. On perd. On laisse doucement derrière soi le goût d'être John Lennon ou de faire la page frontale du Rolling Stone Magazine.
 
On se bonifie. On replace ses priorités aux bons endroits. L'action "acquisition de biens" est à la baisse. Celle de la "valorisation de la tendresse" est à la hausse. On désire moins une voiture rouge qu'une rieuse complicité.

Et on arrive à aujourd'hui. Content ou déçu. Avec 3 ou 3333 regrets. Mais avec une sagesse mes ami(e)s. 

On se verse un verre de vin et on écoute en boucle "Special" de Radiohead, "Yellow" de Coldplay et "Where the streets have no names" de U2. La cerise sur le glaçage: la version de Janis de "Summertime". Et le caramel sur le chocolat "Since i've been loving you" de Zeppelin. 

On en pleure presque tellement la beauté nous attend toujours dans un coin. On est affalé sur son balcon, face au soleil qui se couche.

Et on a, encore... encore et toujours, l'envie d'aimer et d'être aimé.