10/09/2011

Écrire...




Dernièrement j'ai fait un constat étonnant: je suis en train de perdre ma capacité d'écrire avec fluidité. Rigidité des poignets et des doigts causé par le manque de pratique j'imagine.

Ça vous arrive aussi ?
 

Le progrès a apporté l'ordinateur, donc le clavier, et c'est maintenant le bout des doigts qui "parlent". C'est pratique, rapide et... triste.

Y'a pourtant pas longtemps, écrire à la main, avec sa plume ou son stylo  préféré, après avoir choisi le papier adéquat, était une expérience sérieusement sensuelle. Chaque style était une signature unique. Pas un Verdana ou Arial Black universel.
 

On choisissais son bureau ou sa table préférée, le meilleur angle de lumière et, encre bleue ou noire, on se mordait un peu la langue en entamant...  

"Chère Sophie,

Déjà 3 semaines depuis que... "

Je ne suis pas particulièrement nostalgique du temps des "fôtes", (faute  d'auto-correcteur), ou des ratures comme seul moyen de rectifier sa pensée, mais il me semble que cette façon de faire avait une âme.

Et puis, recevoir une lettre par la poste !

Ça vous est arrivé quand la dernière fois ? Combien de comptes d'Hydro depuis ?

Et le timbre, ah le timbre. Parfois un oiseau coloré, un avion ou un bateau, la commémoration d'une guerre, ou mes préférés, la reproduction en miniature des oeuvres d'un(e) peintre. Et puis, inévitablement, malheureusement, un drapeau ou un parlement.

D'ailleurs j'ai jamais compris pourquoi le Canada, qui imprime peut-être les plus beaux timbres du monde, continue à nous servir à la sauvette les timbres passe-partout du drapeau ou du parlement. J'en ai fait damner des gens en ligne derrière moi au bureau de poste qui devaient attendre que je fasse mon choix parmi la faune et la flore sur papier.

Pour moi c'est une question de respect envers le-la récipiendaire de ma lettre: il n'y a pas que le cadeau qui compte, le contenant décoré fait parti de l'envoi. Il faut toujours envelopper un cadeau. Ensuite, quel plaisir à ouvrir et à s'enquérir de son contenu.

Un des intérêts de l'écrit c'est qu'il se garde et se touche. J'ai longtemps gardé chez moi une lettre de rupture qui m'avait déchirée. J'aurais jamais gardé les mêmes mots dans un courriel aussi longtemps. C'est le format, le messager de papier, qui faisait son intérêt.

Je me souviens aussi d'une correspondante japonaise, il y a bien des lunes. Elle avait le style "patte de mouche". En plus elle écrivait sur du papier de soie. Et pour compléter la torture qu'était la lecture de ses mots, elle écrivait dans un très approximatif anglais.

Mais quand arrivait chez moi ce petit rectangle nippon, aaaah, rêveur, romantique et disons-le, un brin idiot, le charme opérait. Je me disais qu'elle avait peut-être écrit cette lettre délicate dans son kimono rouge ou qu'elle avait peut-être dans sa famille une cousine geisha. Ben oui, idiot. Bah, j'assume. Avant de connaître un pays, on connait ses clichés. 

Aujourd'hui c'est l'ère de la vitesse. Le rapport temps/contenu est plus intéressant. Mais on a perdu du rêve en chemin.

Trois courriels dans un sens, deux et une photo dans l'autre, et déjà probablement, on sent la fatigue, le manque de nouveauté, on laisse s'installer la question: y a t-il mieux ailleurs ? Ainsi se font les choses dans le monde moderne.

Donc je faisait ce triste constat; je perds l'habitude d'écrire. Et je me disais: "Tu ne te rendras pas sans combattre, homme !"

J'ai ressorti mes quelques plumes fontaines; plus sèches et archi sèchent  que les chemises de la fameuse duchesse. À nettoyer, encre à acheter.

Mais au fond du tiroir, un petit bijou au corps en bois de poirier: une Faber-Castell dont j'aimais tellement la douceur, qui me donnait l'impression d'étendre de l'huile sur des feuilles en bois.

Garde-à-vous ! Tu reprends du service ma vieille.

Bon, plus qu'un détail; à qui écrire ?

J'aimerais bien ajouter un élément de mystère à ma "remise en forme". Alors tiens, pour tenir la logique de ma démarche jusqu'au bout, une petite annonce non-classée:

Faber-Castell tenue par main d'homme cherche adresse postale de femme, 30 ans et plus, pour justifier l'envoi d'une enveloppe, mensuellement ou  moins, dont le contenu reste à déterminer. Laissez vos coordonnées à:


zylvanooo@aol.com

J'ai une superbe petite lampe de bureau qui s'ennuie. Courbée vers le bas, le petit abat-jour mauve attend la première feuille, le bulbe de 25  watts prêt à servir.

Mes lunettes sur le bout du nez, laissez-moi me prendre pour le Marquis de la Nuit.